Compte rendu de la Rencontre pro. du 24 septembre : Escape games culturels, patrimoniaux, éducatifs : quels objectifs et quels résultats ? Noëmie Lozac’h-Vilain, qui a toujours des dés dans son sac
Mes vacances de cet été m’ont amenée à arpenter les rues et les musées de plusieurs villes européennes. Et partout, toujours, des escape games. Dans des salles dédiées, des châteaux, des trains, ou des musées… Que celle ou celui qui n’a jamais croisé l’un de ces jeux d’évasion se demande s’il, elle n’y est pas enfermé·e !
Face à un tel phénomène de mode, l’École de la médiation a souhaité organiser un cycle de 3 Rencontres pro.
Le 24 septembre, à la Cité des sciences et de l’industrie, chercheurs, chercheuses et pros de la médiation ont échangé autour des objectifs de l’organisation de ces jeux dans des lieux de transmission de savoirs. Pourquoi, et pour quoi réaliser des Serious Escape Games dans son institution culturelle ?
A lire également : 5 conseils pour développer un escape game dans sa structure
Abriter un escape pour sortir de son image de lieu guindé
Les Jeux d’évasion fleurissent. Ce phénomène de mode est investi par les institutions qui y voient un moyen de gagner en visibilité, de toucher des nouveaux publics de jeunes adultes ou de professionnel·les en team building pas toujours très enclines à fréquenter les offres culturelles.
Attention toutefois : à trop surfer sur la vague, on risque de décevoir.
- Les joueurs et joueuses fans d’Escape game (EG) recherchent les codes de ce format et risquent d’être déçues si on ne leur propose qu’un jeu de piste. La notion d’enfermement et d’évasion est essentielle à l’expérience d’un EG. Pour cela, il n’y a pas forcément besoin de lieu fermé, mais il faut soigner le scénario et l’expérience immersive.
- L’instauration d’une offre différente et décalée ne suffit pas toujours à changer l’esprit d’un lieu. L’accueil d’un Escape game aux codes ludiques dans un lieu de savoir peut créer un paradoxe insurmontable. Si l’effet du lieu envoie des codes empêchant la liberté de fouille et d’amusement, les objectifs des participantes et participants ne seront pas atteints, la rencontre ne se fera pas.
Jeu sur je : se découvrir
Jouer, c’est apprendre à se connaître. Des personnes habituellement effacées changent leur posture, on découvre l’importance de communiquer, de coopérer, de s’organiser. Exprimer ses arguments et écouter ceux des autres, dépasser les désaccords pour arriver à prendre une décision face à un choix non manichéen, mais aussi accepter la frustration, dépasser un échec.
Le passage par l’amusement est également une solution intéressante pour modifier le rapport au savoir.
Dans la conception d’offres de médiation, et ici d’un jeu, il ne faut jamais négliger les objectifs de savoir être. Ces changements d’attitude seront bien plus faciles à atteindre et à mesurer que la transmission de contenu scientifique.
Une ruse pédagogique
L’expression jeu pédagogique est à elle seule contraire à la nécessaire improductivité du jeu. Est-il impossible, voire dangereux, de transmettre des connaissances ou des informations par le jeu ? Les objectifs pédagogiques pervertissent-ils le divertissement ?
Sans vouloir faire une synthèse exhaustive des échanges de la journée, quelques éléments de réponse :
- Dévoyer la manipulation
La feinte consistant à vouloir maquiller un temps d’apprentissage en moment ludique est souvent ressentie par les joueurs et joueuses qui vont mettre un point d’honneur à expulser toute la pédagogie pour retrouver l’essence originale du plaisir gratuit. En sciences de l’éducation, on ne compte pas les observations où les enfants, devant un jeu à visée utilitaire, se concentrent sur la mécanique du jeu et n’apprennent rien de ce qui était prévu. Tel.le est prise qui croyait instrumentaliser…
- Un moment pour jouer, un moment pour apprendre
Beaucoup des participantes et participants étaient d’accord pour dire que le moment du jeu n’était pas celui de l’apprentissage de notions. D’où l’importance du débriefing, ou remédiation, permettant de réorganiser les informations, d’apporter des informations, d’ancrer les savoirs. La phase de jeu n’est qu’une étape d’une médiation plus complète, permettant l’engagement et le questionnement. Elle n’est pas suffisante.
- Sérieux/serious ?
Mais alors, c’est tout ? Un EG ne peut pas être pédagogique ni aucun jeu sérieux ? Bertrand Marne a mis un point d’honneur à rappeler qu’on traduit mal « serious ». En français, il vaudrait mieux dire que c’est un jeu à visée utilitaire, qui a d’autres objectifs que l’amusement seul.
Il convient alors de penser son EG comme un outil pour faire de la médiation. Pas une fin en soi, une accroche qui aiguise la curiosité. La simulation nous permet de manipuler différemment des objets d’apprentissage.
- D’où vient la motivation ?
Un jeu ? Chouette ! Pour apprendre ? Euh…
On peut lire un livre parce que l’on a envie de le lire, qu’il nous passionne, ou parce qu’il le faut pour réussir un examen scolaire par exemple. Dans le premier cas, on parle de motivation intrinsèque, dans le second de motivation extrinsèque. Un jeu pédagogique fonctionne d’autant mieux que les joueurs et joueuses oublient que le jeu est un outil pour servir d‘autres objectifs. La difficulté de la gamification est de toucher une motivation intrinsèque, beaucoup plus puissante, en transformant des connaissances en énigmes, en développant l’enjeu individuel.
Un escape game est une hybridation de nombreux formats de jeux et de divertissements. Pour faire un jeu d’évasion, il faut : Crimson room, le premier jeu vidéo d’évasion a été développé en 2005. Les premières formes grandeur nature sont apparues en 2007 en Asie, puis en 2013 en Europe. Aujourd’hui on compte près de 2000 salles en France. Dans le dispositif de l’escape game (comme au théâtre), on devra avoir :
Merci aux game designers du 24 septembre
Identité : Mireille Paquet
Rôle : étudiante en master sciences de l’éducation spécialité sciences du jeu à Paris 13. Elle est également intervenante en gamification dans l’enseignement supérieur et coach en intelligence collective
Profil de joueuse : aime la narration dans les jeux, socializer (recherche le contact et la coopération)
Identité : Bertrand Marne
Rôle : maître de conférences en sciences de l’information et de la communication au sein du laboratoire ICAR à l’ENS Lyon.
Profil de joueur : achiever (qui veut finir le jeu)
Identité : Lena Robert
Rôle : chargée de projets en médiation scientifique à Science animation. Elle a conçu les EG « Panique à la bibliothèque » et « Recherche à risque ».
Profil de joueuse : aime gagner
Identité : Catherine Oualian
Rôle : formatrice à l’Ecole de la médiation, organisatrice de la journée
Profil de joueuse : achiever (qui veut finir le jeu)
Identité : Aurélie Chenel
Rôle : médiatrice scientifique à la Cité des sciences et de l’industrie, a conçu l’EG « La chambre des deux infinis », organisatrice de la journée
Profil de joueuse : aime les jeux collaboratifs